L’enthousiasme décroissant pour les investissements ESG

Teemu RiihijärviDeputy Head of Asset Management & Advisory at Banque Havilland S.A., shares his insights and expertise on an interview with Paperjam

 

 

L’augmentation de la demande au cours des dernières années pour des investissements fondés sur la valeur, associée à la croissance des connaissances en matière de finance durable, a donné lieu à un tsunami de véhicules d’investissement liés à l’ESG. Pour les gestionnaires de patrimoine, le défi n’est pas seulement de déterminer lesquels ont de la valeur, mais aussi de décider si l’investissement ESG est, dans l’ensemble, une source fiable de rendement.

 

La réglementation a joué un rôle important dans l’élaboration de l’investissement ESG tel que nous le connaissons. Les informations relatives au développement durable dans le secteur des services financiers ont imposé des exigences aux gestionnaires de patrimoine, orientant la manière dont les clients sont accueillis et dont les portefeuilles sont gérés. Les gestionnaires de patrimoine ont considérablement adapté leurs processus et leurs procédures d’investissement afin de répondre à la surveillance accrue des régulateurs. Toutefois, si l’on considère le résultat final – aider les clients à conserver et à accroître leur patrimoine – ces mesures en valent-elles la peine ?

 

Signes inquiétants

 

Compte tenu du grand nombre de véhicules liés à l’ESG sur le marché et du paysage réglementaire très développé, un observateur pourrait être enclin à croire que de tels investissements contribuent à maximiser les rendements des portefeuilles. Cependant, les signaux du marché sont très mitigés en ce qui concerne la rentabilité globale des investissements et des fonds liés aux ESG.

Certains fonds ont enregistré de bonnes performances, tandis que d’autres ont été nettement inférieurs à leurs indices de référence, ce qui a conduit certains investisseurs à se demander si l’investissement ESG constituait réellement une stratégie viable à long terme.

Teemu Riihijärvi

 

Il y a eu quelques réussites. Dans le domaine de l’énergie éolienne, on peut citer Vestas Wind Systems, une entreprise danoise, qui a été un investissement solide en termes de performances. À l’inverse, l’industrie automobile et les véhicules électriques constituent un indicateur mondial plus révélateur. Tesla, par exemple, a souffert d’une grande volatilité ces dernières années. Rivian, qui fabrique des camionnettes et des SUV électriques haut de gamme – très recherchés par ailleurs – a vu le cours de son action chuter de près de quatre cinquièmes depuis l’introduction en bourse de la société en 2021.

Selon Bloomberg, les sorties nettes des ETF ESG ont totalisé 361,7 millions de dollars depuis le début de l’année, tandis que les entrées nettes ont totalisé 32,1 milliards de dollars en 2023. Trente-six ETF labellisés ESG en Amérique ont été liquidés l’année dernière, soit plus du double de l’année précédente, et il ne s’agit là que de quelques-unes des fermetures d’ETF ESG majeurs, selon le fournisseur de médias et d’informations.

L’investissement ESG montre les signes d’une courbe en S, semblable à tout cas classique dans l’histoire des tendances des marchés financiers. Ces investissements passent par une phase de démarrage rapide (en partie due aux mesures réglementaires et gouvernementales) suivie d’une croissance relativement robuste des flux entrants. 

Que ces signes négatifs soient permanents ou qu’ils ne soient que les symptômes d’une saturation temporaire, l’investissement ESG ne peut être déclaré mort. Il reste à voir si les investissements ESG peuvent générer des rendements solides pour les portefeuilles des clients, mais ils joueront un rôle crucial en tant qu’outil de construction des portefeuilles à l’avenir, car ils soutiennent le passage plus général à l’investissement durable mondial.

 

Prendre en compte le risque de durabilité dans la gestion de portefeuille

 

Les banques et les gestionnaires d’actifs doivent adopter des procédures solides pour traiter et atténuer le risque de durabilité dans la gestion d’actifs. À la Banque Havilland, la procédure relative au risque de durabilité dans la gestion d’actifs définit et détaille la manière dont la banque intègre le risque de durabilité dans les services de conseil ou de gestion de portefeuille, comme l’exige le règlement sur la divulgation des informations relatives à la finance durable (SFDR).

 

Trois éléments pour atténuer les risques liés au développement durable

 

Pour un portefeuille qui n’est pas concentré sur un secteur ou un pays spécifique, la manière la plus efficace et la plus simple d’aborder et d’atténuer indirectement le risque de durabilité, comme tout autre risque idiosyncratique financier ou non financier, est de diversifier et de construire un portefeuille solide. C’est pourquoi la Banque Havilland maintient un niveau élevé de diversification dans la majorité de ses portefeuilles discrétionnaires et de conseil.

Le risque de durabilité le plus pertinent est le risque de réduction supplémentaire, qui peut être contrôlé et atténué en évitant une exposition importante et involontaire au quintile le moins performant de l’univers de notation ESG, les “retardataires”. La Banque Havilland, par l’intermédiaire de son comité d’investissement, revoit semestriellement ses allocations dans les portefeuilles discrétionnaires et les portefeuilles de conseil pour s’assurer que l’exposition au quintile le plus bas est évitée.

Une grande partie du risque de durabilité peut être indirectement atténuée en sélectionnant des fonds qui sont soumis à la SFDR et qui doivent donc avoir déjà mis en place les mesures correspondantes. La majorité du portefeuille discrétionnaire total de la Banque Havilland est constituée de fonds de placement, alloués à des fonds externes domiciliés dans l’Union européenne, ce qui signifie qu’ils adhèrent déjà à la SFDR.

 

(source: Paperjam)